Du prix minimum garanti au prix de référence pour un revenu vital

Comment le mouvement Fairtrade/Max Havelaar agit pour la réduction de la pauvreté dans la filière cacao en Côte d’Ivoire ?

Le prix minimum garanti et la prime de développement, socle du commerce équitable Fairtrade/Max Havelaar

 

Défini par l’Etat ivoirien, le nouveau prix du cacao pour la récolte 2021/2022 a représenté une mauvaise nouvelle pour les producteurs puisqu’il a baissé de 18 % par rapport à la récolte 2020/2021. Ce prix, 2 278 dollars par tonne, est trop bas pour permettre aux producteurs de couvrir leurs coûts de production et de sortir de la pauvreté. La Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao.

 

 

Quels sont les outils utilisés par le mouvement Fairtrade/Max Havelaar pour soutenir les producteurs ?

  • Le prix minimum garanti

Rappelons que, lorsque le prix du cacao chute, les producteurs des coopératives ivoiriennes certifiées Fairtrade/Max Havelaar perçoivent un prix minimum garanti pour leur cacao qui couvre leurs coûts de production. Pour la récolte 2021-2022, cela représente 121,70 dollars (USD) par tonne en plus du prix fixé par le gouvernement ivoirien.

Le prix minimum garanti Fairtrade/Max Havelaar agit comme un véritable filet de sécurité lors de la chute des prix. Lors de la récolte 2019/2020 il a été également activé, ce qui a permis de reverser plus 15 millions de dollars à 190 000 producteurs en Côte d’Ivoire.

  • La prime de développement

À ce prix minimum garanti s’ajoute la prime de développement Fairtrade/Max Havelaar, et ce quel que soit le prix payé aux producteurs (prix fixé par l’Etat ou prix minimum Fairtrade/Max Havelaar). Elle correspond à 240 USD par tonne et est touchée directement par les coopératives. Les producteurs choisissent démocratiquement, lors de leur assemblée générale, comment l'investir au profit de leurs exploitations et de leurs communautés. Ce peut être par exemple un supplément de revenu, un investissement matériel (construction d’écoles ou de centres médicaux, achat de camions pour transporter le cacao…) ou encore des formations agricoles pour les producteurs.

Ces deux dispositifs, prix minimum garanti et prime de développement, qui sont au cœur du commerce équitable Fairtrade/Max Havelaar, constituent un premier pas pour réduire la pauvreté dans la filière cacao.

Au-delà du prix minimum garanti, la stratégie de Fairtrade/Max Havelaar pour l’atteinte du revenu vital

En plus des bénéfices concrets du prix minimum garanti et de la prime de développement, le mouvement Fairtrade a développé dès 2017 une stratégie holistique pour que les producteurs atteignent un revenu vital.

Qu’est-ce qu’un revenu vital ?

Le revenu vital est le revenu net nécessaire à un ménage dans un endroit donné pour assurer un niveau de vie décent à tous ses membres, une fois que les coûts de production agricoles sont couverts. Les éléments constitutifs d’un niveau de vie décent incluent un régime alimentaire nutritif, l’eau potable, un logement décent, l’éducation, les soins de santé, le transport, les vêtements et d’autres besoins essentiels, y compris de quoi faire face aux imprévus. Ce montant varie fortement selon les pays et même les régions, car le coût de la nourriture, du logement et des autres produits de première nécessité diffère d’un endroit à l’autre.

Pour déterminer ce revenu pour la Côte d’Ivoire et le Ghana, le mouvement Fairtrade/Max Havelaar s’appuie sur les recherches et les études de référence dans le domaine de la « living income community of pratice[1] », conformément à la méthodologie Anker and Anker.

Calcul du prix de référence pour atteindre un revenu vital

Pour donner une direction claire à l’industrie du chocolat et aux pouvoirs publics, Fairtrade International a calculé, en partenariat avec d’autres acteurs clés du développement, le prix de référence pour atteindre ce revenu vital.  

Comment le prix de référence est-il calculé ?

Ce prix de référence est déterminé par pays, pour une production de cacao dans des conditions durables et à un niveau donné de rendement. Pour le définir, nous avons donc pris en compte la taille des exploitations en Afrique de l’Ouest, leurs rendements, les coûts de production ou encore la proportion de l’alimentation qui est produite sur la parcelle (agriculture vivrière).

Ces données sont issues essentiellement de deux sources :

  • un long travail de recherche avec les coopératives certifiées Fairtrade/Max Havelaar et d’études sur le revenu actuel des producteurs de cacao en partenariat avec l’institut True price ;
  • les résultats de travaux de recherche réalisés notamment par le Royal Tropical Institute et la Living income community of practice.

Pour la Côte d’Ivoire et le Ghana, le prix de référence pour un revenu vital a été défini à 3 000 USD/tonne de cacao au niveau FOB[2].

Combler l’écart entre le prix actuel du cacao et le prix de référence pour un revenu vital

En définissant clairement ce prix de référence, le mouvement Fairtrade/Max Havelaar quantifie l’écart entre les prix actuels du marché et le prix qui devrait être payé pour assurer le développement durable de la filière cacao.

L'augmentation du prix minimum Fairtrade/Max Havelaar pour le cacao de 2000 à 2400 USD/tonne (FOB), qui est entrée en vigueur au 1er octobre 2019, est la première étape d'une approche graduelle visant à combler cet écart de prix. Cette augmentation a permis de réduire l’écart avec le prix de référence et d'obtenir un revenu vital 40% supérieur.  

Plusieurs entreprises partenaires se sont engagées volontairement avec le mouvement Fairtrade/Max Havelaar dans des projets pilotes pour l’atteinte du revenu vital : Ben and Jerry’s, Lidl ou encore le chocolatier Tony’s Chocolonely sont quelques-uns des acteurs avec lesquels nous travaillons à traduire ces travaux en réalité pour les producteurs.

Pour que le prix de référence pour un revenu vital devienne la norme, c’est toute l'industrie du chocolat - qui pèse 100 milliards de dollars - qui doit s’impliquer, ainsi que les gouvernements, en prenant les mesures nécessaires à l’atteinte de ce revenu, soutenus par les consommateurs.

C’est pourquoi nous travaillons également activement à la promotion du revenu vital auprès des pouvoirs publics et des industriels comme en témoigne la signature de l’initiative pour un cacao durable signée en octobre 2021. Cette initiative historique, rassemblant pour la première fois l’Etat français, les industriels du chocolat et les acteurs majeurs de la grande distribution, mais également le milieu de la recherche et les ONG, mentionne clairement la nécessité d’atteindre un revenu vital pour assurer la durabilité sociale et environnementale de la filière cacao.

Les autres initiatives de Fairtrade/Max Havelaar pour l’atteinte progressive du revenu vital : programmes de développement et accompagnement des producteurs

Si le paiement du prix de référence est crucial pour l’obtention d’un revenu vital, ce n’est pas le seul paramètre. D’autres facteurs comme les rendements, la professionnalisation des coopératives ou encore la diversification des cultures sont des éléments également indispensables pour atteindre cet objectif. Notre stratégie pour l’atteinte du revenu vital s’inscrit donc dans une approche multifactorielle des défis de la filière cacao.

Nos cahiers des charges intègrent les défis économiques, mais également les défis environnementaux et sociaux spécifiques à la filière cacao.  Nous travaillons avec les producteurs pour leur permettre de se structurer en coopératives professionnelles et résilientes, d’améliorer leurs pratiques agricoles, de faire face au changement climatique et de mettre en place des politiques sociales protégeant les droits humains.

Nos réseaux de producteurs œuvrent aux côtés des producteurs certifiés pour les accompagner dans la mise en place de nos standards, mais également pour implanter durablement divers programmes de développement qui maximisent l’impact de ces standards.

Le programme Cacao Afrique de l’Ouest est un des outils uniques créés par le mouvement Fairtrade/Max Havelaar pour permettre le développement et l’autonomisation des producteurs. Créé en 2016, son but est de renforcer les coopératives certifiées pour que celles-ci deviennent des entités professionnelles capables d’accompagner leurs producteurs (formation et conseils sur les pratiques culturales, logistique, gestion comptable). Il vise également à ce que ces structures deviennent des entités commerciales proactives auprès de leurs partenaires commerciaux. En 2019, ce sont plus de 34 000 formations qui ont été effectuées auprès des coopératives et de leurs membres sur de multiples thématiques : gestion financière, pratiques agricoles durables, égalité des genres…

Nous travaillons également à la mise en place d’un système interne de collecte de données pour améliorer les capacités de gestion de l’information des coopératives. Qu’il s'agisse de données relatives à la  gestion agricole, à l’évaluation des risques liés à la déforestation et au travail des enfants, ou encore de données sur le revenu moyen de leurs membres, ces informations sont primordiales pour relever les défis économiques sociaux et environnementaux auxquels les organisations de producteurs doivent faire face.

En effet, les producteurs ne peuvent assumer l’intégralité des coûts et des mesures nécessaires pour assurer la durabilité de la filière. La responsabilité doit être partagée par tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement. C’est pourquoi le mouvement Fairtrade/Max Havelaar accompagne également les acteurs commerciaux dans la structuration de leur filière d’approvisionnement.

Que ce soit via la certification ou au-delà, nous avons développé des outils et des méthodes permettant aux entreprises d’agir concrètement sur la durabilité de la filière et d’atteindre graduellement le revenu vital.

Chaque entreprise est différente et le mouvement Fairtrade/Max Havelaar est là pour accompagner chacune d’entre elles tout au long de son parcours vers l’atteinte d’un revenu vital.


Vous souhaitez en savoir plus ?

Contactez notre responsable des partenariats entreprises pour le cacao : m.moschetti@maxhavelaarfrance.org

 

[1] Plateforme d’acteurs, dont Fairtrade, qui a pour but de définir et de diffuser les living income (revenu vital) benchmarks partout dans le monde et d’encourager les entreprises à atteindre ces revenus vitaux.

[2] FOB signifie Free On Board, c'est à dire "sans frais à bord". Il s'agit d'un Incoterm, à savoir un terme se rapportant à l'ensemble des droits et devoirs dans le cadre de négociations internationales. Lorsque l'on achète free on board, on doit ajouter au prix initial le transport, les taxes d'exportation, mais aussi les différentes assurances liées à l'expédition et à l'export.