Rencontre avec des producteurs de cacao équitable en Côte d'Ivoire

Marine notre responsable de la filière cacao s’est rendue en Côte d’Ivoire afin de rencontrer nos homologues de Fairtrade Africa. Sa mission avait pour but d’approfondir ses connaissances sur la culture du cacao et de partager avec des producteurs les enjeux et défis pour eux sur le terrain. En rencontrant la coopérative COOPRADI certifiée Fairtrade/Max Havelaar, elle a pu se rendre compte de l’impact du Fairtrade pour la communauté locale. Découvrez son récit.

Les enjeux de la filière cacao en Afrique de l’Ouest

En matière de production de cacao, la Cote d’Ivoire est le 1er exportateur mondial (43% de la production mondiale). 2 millions de personnes en Afrique de l’Ouest dépendent de cette culture, en effet le cacao est cultivé dans de petites exploitations familiales. Mais 58% de producteur.rice.s vivent sous le seuil d’extrême pauvreté alors que l’industrie du chocolat représente 100 milliard de dollars.

Fondée en 2005, Fairtrade Africa est une organisation à but non lucratif représentant toutes les organisations de producteur.rice.s certifiées Fairtrade/Max Havelaar en Afrique. Fairtrade Africa appartient à ses membres, qui sont des organisations de producteur.rice.s africain.e.s certifiées conformes aux normes internationales Fairtrade/Max Havelaar, qui produisent des produits d'exportation traditionnels tels que le café, le cacao, le thé, le coton, les bananes, la mangue et des produits non traditionnels, notamment le beurre de karité et le thé rooibos.

Fairtrade Africa

Le mouvement Fairtrade/Max Havelaar est présent depuis les années 2010 et plus 200 coopératives de producteur.rice.s de cacao ont été certifiées à ce jour. En 2016, le programme Cacao pour l’Afrique de l’Ouest a été créé par Fairtrade Africa pour renforcer leurs capacités organisationnelles à travers des formations et mise en place de projets catalyseurs de changement.

Congrès : Innovation pour une entreprise agricole durable

Mon voyage débute par un congrès sur l’« Innovation pour une entreprise agricole durable » organisé par Fairtrade Africa. Ce congrès est l’occasion pour les producteurs certifiés Fairtrade/Max Havelaar d’échanger sur les problématiques de la filière et sur les solutions qu’ils appliquent au quotidien sur leur exploitation.  En effet, la création d’un réseau de producteurs dense et connecté est une stratégie à part entière de Fairtrade Africa pour appuyer leur « empowerment ».

Les sujets abordés durant ce congrès sont très centrés sur la capacité des producteurs à accéder au marché et à capter une plus grande part de valeur dans la filière.  Il est donc question d’accès au marché des pays du « sud », plus dynamiques que les pays du « nord », de fabrication de produits transformés et de professionnalisation des coopératives. Plusieurs intervenants viennent témoigner et mettre en avant les projets de développement de la filière.

Une des interventions les plus remarquées et appréciées par les producteurs est sans conteste celle d’Axel Emmanuel, « le chocolatier Ivoirien ».

Après ces études, ce jeune Ivoirien a choisi de devenir chocolatier et a créé son entreprise en 2015. Utilisant du cacao certifié Fairtrade/Max Havelaar et travaillant directement avec des coopératives, Axel-Emmanuel a formé plusieurs centaines de femmes, membres de ces coopératives, qui travaillent pour transformer la fève en tablettes.

Son discours, très inspirant pour les producteurs présents, soulève de nombreuses réactions sur les possibilités de diversifications de revenus des coopératives. En effet, certain.e.s producteur.rice.s sont tourné.e.s vers la diversification des revenus, pas seulement avec des cultures différentes mais aussi avec des produits manufacturés comme le savon ou le chocolat.

Les conséquences du changement climatique et les programmes mis en œuvre pour contrer ses effets sont également au cœur des discussions.

L’intervention du Docteur Christophe Kouame (ICRAF) et des représentants de Fairtrade Africa, explicite par exemple les défis du réchauffement climatique : augmentation des températures, avancée du désert, modification de la saison des pluies, augmentation des maladies, etc. Les producteurs présents peuvent également découvrir et s’approprier de nouvelles techniques d’agroforesterie, comme celle du programme Sankofa. Ces derniers souhaitent intégrer de l’innovation dans les pratiques agricoles et les rendre durables et respectueuses de l’environnement.

Finalement, ce congrès permet aux marques labellisées Fairtrade/Max Havelaar de rencontrer leurs coopératives partenaires. C’est l’occasion d’échanger sur les attentes des consommateurs en Europe et sur le suivi des programmes de terrain. Les coopératives certifiées Fairtrade/Max Havelaar peuvent également faire remonter leur expériences et construire un partenariat durable avec leurs clients.

Cette première partie de mission a été très enrichissante car elle m’a permis de rencontrer un grand nombre de producteurs chacun ayant ses propres défis. Elle m’a aussi permis de mieux comprendre leurs préoccupations, parfois éloignées des sujets médiatiques des pays consommateurs de chocolat comme la France.

Visite de la coopérative COOPRADI

Mon voyage se poursuit par la visite de la coopérative COOPRADI située à Brouyaokro dans le sud de la Côte d’Ivoire, où j’ai pu échanger avec la directrice et les producteurs.

La coopérative COOPRADI est une coopérative de producteur.rices de cacao qui est certifiée depuis 2010. Elle bénéficie donc de la prime de développement et a pu l’investir, entre autre, dans la construction de trois écoles. Avant ces infrastructures, les enfants devaient marcher pendant 7 km pour avoir accès à une autre école. Beaucoup de jeunes enfants n’étaient donc pas scolarisés car la distance était trop grande pour eux.

COOPRADI a également construit une cantine scolaire pour 200 écolier.ère.s, dix pompes à eau, afin de ne plus chercher de l’eau à plusieurs kilomètres des villages, et un centre de santé.

Leur prochain objectif est d’obtenir la licence d’exportateur pour pouvoir commercer directement avec les chocolatiers et augmenter leur part de revenus.

« Notre principal enjeu est l’accès au marché Fairtrade/Max Havelaar. La vente de cacao conventionnel ne nous permet pas d’avoir assez de revenus. » Elise Kouma Directrice de la coopérative Coopradi

Elise Kouma est directrice de la coopérative COOPRADI depuis 2 ans. Elle s’occupe de toute la gestion administrative et manage les 9 employés à plein temps de la coopérative. Ces derniers sont en charge de faire le lien avec les différentes communautés de producteurs (qui peuvent être très isolées les unes des autres) et pour dispenser les différentes formations qu’ils reçoivent dans le cadre de leur certification Fairtrade/Max Havelaar.

Occuper ce poste à responsabilité est un défi quotidien car les femmes ne sont pas encore considérées de la même façon que les hommes.

« Cela demande beaucoup de courage et de patience et il faut également être très à l’écoute des problèmes des producteurs et des employés. En se rendant disponible et en trouvant des solutions, je suis arrivée à m’imposer auprès de la majorité des hommes. La voix des femmes est plus écoutée même s’il reste encore beaucoup de travail à effectuer. » Elise Kouma

Alphonse Yoboue Boner, producteur de cacao dans la communauté Brouyaokro, explique également que pour mieux comprendre le fonctionnement de la coopérative et de la certification Fairtrade/Max Havelaar, il est devenu délégué de sa communauté.

« Je voudrais dire aux consommateur.rice.s que nous travaillons très dur pour produire du cacao de qualité. Plus ils en achèteront et plus nous pourrons vendre de cacao aux conditions Fairtrade/Max Havelaar, c’est grâce à cela que nous avons pu construire l’école et le puit ! » Alphonse Yoboue Boner

Grâce aux revenus supplémentaires il a pu économiser suffisamment pour que ses trois enfants aillent au collègue en ville.

Ange Koudou Dadie m’a également donné un peu de son temps pour m’expliquer son quotidien. En plus d’être producteur de cacao pour la coopérative COOPRADI, il est devenu « Youth Leader » grâce au programme Fairtrade « It takes a village to protect a child » mis en place avec l’aide de Fairtrade Pays Bas en 2015.

« Depuis que je suis un jeune leader je me déplace beaucoup plus dans les communautés pour rencontrer les enfants et leurs parents mais aussi pour sensibiliser tout le village sur le travail des enfants. Je suis souvent avec les enfants le matin et je m’occupe de ma plantation l’après-midi. »

Ange a été formé par les équipes de Fairtrade Africa et ses partenaires pour lutter contre le travail des enfants sur les plantations de sa coopérative. Une partie du travail de jeune leader et aussi de collecter des données dans les foyers pour suivre l’implémentation du programme dans les communautés. Ils ont créé un questionnaire pour les enfants et un autre pour leurs parents. Cela leur permet de détecter plus facilement les comportements à risque et d’informer le comité de lutte contre le travail des enfants de la coopérative. En cas extrême ils font le lien avec le CNS local (service de protection de l’enfance en Côte d’Ivoire).

« Je remercie les consommateur.rice.s et les encourage à acheter encore plus de produits labellisés Fairtrade/Max Havelaar. La prime nous permet d’être mieux rémunérés, ce qui nous encourage à apprendre encore plus et à nous améliorer. Ce que nous apprenons, comme la juste utilisation des intrants ou la nécessité de protéger les enfants sont des connaissances que nous nous approprions pour la vie et qui nous permettent de faire grandir notre communauté. »Ange Koudou Dadie

Mon voyage s’achève sur ces rencontres qui m’ont permis de mieux comprendre les enjeux et les préoccupations des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest. La pauvreté et le changement climatique sont une réalité en Côte d’Ivoire et cette mission a renforcé mes convictions et ma volonté d’agir pour un monde plus juste, grâces aux actions que le mouvement Fairtrade/Max Havelaar entreprend aux côtés des producteurs et dans les pays consommateurs de chocolat. 

Industriels ou consommateurs, il est plus que jamais nécessaire de transformer nos pratiques pour que les producteurs, où qu’ils soient, puissent vivre décemment de leur travail et participer à la préservation l’environnement.