Le 28 février 2023 au Salon international de l’agriculture 2023, des acteurs-clés de la banane en France se sont rassemblés lors d’une table-ronde organisée par Max Havelaar France et le Cirad sur les enjeux de la durabilité de la filière, à l’issue de laquelle le Cirad a annoncé le lancement des travaux pour une Initiative française pour une banane durable.
Etat des lieux de la filière banane et enjeux de durabilité
Avec en moyenne 140 millions de tonnes produites chaque année dans plus de 150 pays, dont 22 millions de tonnes commercialisées internationalement, la banane (dessert et plantain) est l’un des fruits les plus consommés et exportés dans le monde. L’exportation de la banane dessert constitue la pierre angulaire de l’économie d’une dizaine de pays producteurs. Elle emploie directement et indirectement 2 millions de travailleur·euse·s dans le monde, et pour 85 % de sa consommation qui reste locale, 450 millions de personnes dépendent de sa culture.
En parallèle d’une croissance soutenue de la demande internationale depuis deux décennies, la filière banane est menacée par des enjeux économiques, environnementaux et sociaux, qui concernent en premier lieu les exploitations familiales et les travailleurs et travailleuses des plantations. Les populations des pays producteurs et l’environnement sont les premiers affectés par les conséquences d’une production intensive en pesticides et vendue à des prix toujours plus bas.
Quelques chiffres mettent en lumière ces enjeux de durabilité :
Les travailleur·euse·s des plantations de bananes ne touchent qu’entre 5 et 9 % du prix final payé par le consommateur, contre une moyenne de 40 % pour les distributeurs européens (Basic 2015),
Les coûts de production ne cessent d’augmenter, en particulier les coûts de transport et des intrants qui ont connu un bond de 60 % en 2021 et 2022,
L’usage de pesticides dangereux pour les populations et l’environnement sont encore utilisés massivement pour lutter contre des maladies affectant les bananiers, comme la fusariose Race Tropicale 4 (TR4) qui fait des ravages dans les plantations de bananes Cavendish, variété qui représente 50 % de la production mondiale et plus de 99 % des bananes dessert exportées.
Conférence sur la durabilité de la banane au Salon de l’agriculture
C’est pour répondre à ces problématiques et amorcer les discussions sur comment porter les initiatives de durabilité individuelles à l’échelle pour transformer les pratiques du secteur, que Max Havelaar France et le Cirad (Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement) ont organisé une conférence au Salon international de l’agriculture (SIA) le 28 février 2023 : « Crise énergétique, hausse des coûts de production, transition écologique : quels enjeux pour une banane durable en France ? ».
Cette table-ronde a rassemblé des acteurs-clés du secteur qui ont partagé leur expérience et expertise sur des projets de durabilité déjà mis en œuvre par leur organisation :
Philippe PONS, Président de l’Association interprofessionnelle de la banane (AIB)
François-Xavier CÔTE, Délégué aux filières du CIRAD
Hans-Willem VAN DER WAAL, Directeur général de AgroFair, importateur de bananes biologiques et équitables
Maria del Rosario PAJUELO, Directrice de Promperú, bureau commercial du Pérou en France
Bertrand SWIDERSKI, Directeur du développement durable du groupe Carrefour
Pierre MONTEUX, Directeur général de l'UGPBAN-Fruidor, producteur de bananes françaises
Malgré la disparité des conditions de production et d’importation selon les pays d’origine, et des problématiques propres à chacun le long de la chaîne de valeur, tous les intervenant·e·s avaient en commun d’avoir déjà mis en œuvre des initiatives de durabilité au niveau de leur organisation, et s’accordaient sur le besoin de transformer les pratiques du secteur à l’échelle globale pour partager la responsabilité de la durabilité.
Retrouvez notre tribune dans le Monde du 20 février 2022 - « Les pays producteurs de bananes réclament une approche équitable basée sur la fixation de prix minimum »
Lancement et objectifs de l’Initiative française pour une banane durable (IFBD)
A l’issue de cette table-ronde, François-Xavier Côte, Délégué aux filières du Cirad, a annoncé le lancement des travaux pour une Initiative française pour une banane durable volontaire et multiacteurs, et appelé l’ensemble des acteurs de la banane en France à rejoindre cette initiative pour définir ensemble les leviers de transformation du secteur.
Philippe Pons, Président de l’Association interprofessionnelle de la banane (AIB) qui rassemble les principaux producteurs, importateurs, mûrisseurs et distributeurs de bananes en France, a abondé dans le sens de cette initiative en précisant qu’« au niveau de l’AIB, les conditions du dialogue [étaient] déjà réunies ».
Dans son communiqué de presse, le Cirad dessine les principaux objectifs de l’IFBD pour répondre aux enjeux économique, environnementaux et sociaux auxquels sont confrontés les acteurs du secteur :
- Répartition de la valeur et responsabilités partagées dans la filière : assurer une répartition équitable de la valeur tout au long de la chaîne de production et de commercialisation, pour garantir une rémunération vitale pour les producteur·rice·s et les travailleur·euse·s d’ici à 2030.
- Durabilité environnementale des systèmes de production : améliorer les pratiques, en prenant en compte la diversité des zones de production, garantir une gestion durable des ressources naturelles, augmenter la biodiversité, atténuer les impacts négatifs pour l’environnement et adapter les systèmes de production au changement climatique par la recherche et la mise en œuvre de pratiques agroécologiques innovantes.
- Respect des droits humains et du droit du travail : garantir la santé et la sécurité des travailleur·euse·s, l’exercice de la liberté syndicale et de la négociation collective, l’égalité de genre, et lutter contre le travail des enfants dans les bananeraies.
Max Havelaar France, déjà activement partie prenante du lancement de l’IFBD, continuera à participer à la construction de cette initiative visant à transformer les pratiques du secteur, pour une meilleure répartition de la valeur en faveur des exploitations familiales, de meilleures conditions de travail pour les travailleurs et travailleuses dans les plantations, et une transition agroécologique effective au sein de la filière.