La situation économique dans les plantations de banane en République dominicaine
La République dominicaine a connu une inflation de 9% en 2022 et d’après les données recueillies par le mouvement Fairtrade/Max Havelaar, depuis 2021 le coût de la culture et de l'exportation des bananes a augmenté de manière significative : les engrais ont augmenté de 70 %, le carburant de 39 % et les palettes et emballages en plastique de plus de 20 %.
Si l'on ajoute à cela la nécessité d'augmenter les salaires - qui représentent environ la moitié du coût d'un carton de bananes -, les travailleurs et les producteurs de la filière sont confrontés à un avenir incertain.
En théorie, les salaires devraient suivre l'inflation, mais ce n'est pas le cas dans de nombreux secteurs et la hausse de l'inflation ne permet pas aux travailleurs de vivre de leur salaire.
Cependant, dans les plantations certifiées, les salaires des travailleurs doivent être maintenu et ne peuvent pas baisser. Depuis 2021, les plantations doivent respecter le salaire de base Fairtrade qui correspond à un minimum de 70% du salaire vital du pays.
D’autres filières dans le monde en difficulté
Bien que le coût de la vie ait considérablement augmenté en République dominicaine, les producteurs et travailleurs d’autres filières sont confrontés à des défis encore plus importants.
Au Sri Lanka, l'inflation dans le pays a atteint 73 % entre 2021 et aujourd'hui, ce qui a gravement impacté les salaires des travailleurs.
Mais, avertit Wilbert Flinterman, conseiller principal pour les droits des travailleurs et les relations syndicales de Fairtrade International, tout n’est pas à mettre sur le compte de la récession économique mondiale : "Les chefs d’entreprises qui emploient les travailleurs ne peuvent pas toujours invoquer l'argument selon lequel, s'ils paient davantage les travailleurs pour s'aligner sur le coût de la vie locale, leur modèle d'entreprise devient non viable".
"Les travaux de l'Anker Research Institute révèlent que, bien que le salaire minimum vital au Sri Lanka ait augmenté de 60 % entre fin 2021 et 2022, le coût du salaire minimum vital a en fait baissé lorsqu'il est converti en dollars américains en raison de la dépréciation de la monnaie locale. Parfois, les entreprises qui font des affaires en dollars profitent des fluctuations des taux de change en période d'inflation. Ainsi, le paiement de leurs coûts de production en monnaie locale, y compris les salaires, devient plus abordable".
Pour surveiller et éventuellement atténuer l'impact de l’inflation sur les travailleurs, le mouvement Fairtrade/Max Havelaar a récemment renforcé les exigences des cahiers des charges selon lesquelles les entreprises doivent démontrer qu'elles ont adapté les salaires à l'inflation.
M. Flinterman explique : "Si nous laissons le pouvoir d'achat des travailleurs diminuer, l'écart entre leurs salaires actuels et les salaires minimaux augmentera. C'est pourquoi nous sommes très exigeants et attendons des entreprises certifiées qu'elles s'attaquent à ce problème ".
La prime de développement Fairtrade/Max Havelaar : un coup de pouce aux revenus
Pour avoir un impact positif sur la vie des travailleurs au-delà de l'apport d'argent supplémentaire, la prime de développement Fairtrade/Max Havelaar peut également être utilisée pour subventionner la nourriture et d'autres produits, construire et gérer des écoles et des centres de santé, offrir des bourses et des fournitures scolaires, fournir des moyens de transport et des prêts sans intérêt etc.
Un rapport récent de Fairtrade International montre qu'au Ghana, les avantages en nature générés par la prime de développement correspondent en moyenne à 75 USD par travailleur et par mois. Soixante-six pour cent des travailleurs ont déclaré qu'ils utilisaient les économies réalisées pour des produits de base tels que la nourriture et les factures. Comme l'a déclaré un travailleur interrogé dans le cadre du rapport, "tous les prix ont doublé... il y a certains articles que nous ne pouvons tout simplement plus nous permettre".
La même étude suggère qu'en Colombie - une autre source importante de bananes labellisées Fairtrade/Max Havelaar - l'augmentation de la prime vaut plus de 88 USD par travailleur et par mois. Si l'on considère que le salaire de référence pour la Colombie est de 433 USD par mois, il s'agit d'une contribution significative. L'employé Osnaider Mercado Sandoval Havelaar Suarez, qui travaille dans une plantation certifiée Fairtrade/Max Havelaar, a déclaré aux chercheurs : "En tant que travailleur de la banane, nous n'avons pas la capacité économique de payer certaines dépenses, et la prime nous facilite donc la tâche."
De plus, les travailleurs de plantation certifiées Fairtrade/Max Havelaar ont également la possibilité de recevoir jusqu'à la moitié de la prime sous forme d'argent liquide pour soutenir leurs revenus.
"La prime de développement réduit la pression sur les revenus disponibles", explique M. Flinterman."Les cahiers des charges Fairtrade/Max Havelaar stipulent que les travailleurs de la banane doivent recevoir au moins 30 % de la prime en espèces, qui peut aller jusqu'à 50 % s'ils le souhaitent. Cela fait une réelle différence, en particulier dans les endroits où les travailleurs gagnent bien moins que le salaire de minimal".
Malgré le rôle significatif de la prime dans le complément des salaires, M. Flinterman insiste sur l'urgence d'un salaire vital pour les travailleurs. "Les travailleurs des exploitations agricoles, des usines et des plantations comptent parmi les personnes les plus vulnérables du commerce mondial", déclare-t-il. "Ils n'ont souvent pas de contrat officiel, de représentation syndicale ni de protection de base en matière de santé et de sécurité, et ce, avant même d'aborder la question des bas salaires. Bien sûr, la prime est un atout majeur pour les revenus - en particulier dans le secteur de la banane - mais elle ne doit jamais servir d'excuse pour ne pas payer des salaires adéquats."
Les salaires vitaux ne sont pas gratuits
Le mouvement Fairtrade/Max Havelaar reste le seul grand système de commerce équitable qui exige des acheteurs qu'ils paient un prix minimum pour les produits labellisés, sur la base d'une évaluation des coûts de production et d'un dialogue avec les producteurs et les négociants.
Bien que des progrès aient été accomplis, il est clair qu'il reste encore beaucoup à faire. "L’inflation a eu un impact négatif à la fois sur les producteurs et les consommateurs, ce qui rend le chemin vers un salaire vital encore plus long", déclare M. Flinterman. "Nous avons progressé dans certains pays et dans certains secteurs, mais l'inflation élevée dans d'autres pays signifie que la valeur réelle des salaires est en fait en train de régresser ».
"De nombreuses industries, y compris celles qui produisent des fleurs, du thé et des textiles, ne restent viables que grâce à des pratiques d'achat visant à maintenir les coûts et les salaires à un niveau bas. Certains détaillants insistent auprès des producteurs pour qu'ils versent des salaires vitaux, mais ils se plaignent également que leurs clients ne peuvent pas se permettre de payer davantage. Il est juste que nous essayions de protéger les travailleurs des chaînes d'approvisionnement mondiales contre l'exploitation salariale et nous ne relâcherons pas nos efforts, mais au bout du compte, quelqu'un doit payer la note et montrer qu'il prend au sérieux les principes de l'entreprise et des droits de l'homme. "
Source : How do you make a living when costs skyrocket but wages stay the same?