A l'origine du café équitable

Guillaume, notre responsable de la filière café s’est rendu au Mexique afin de rencontrer et d’échanger avec les producteur.rice.s des coopératives certifiées Fairtrade/Max Havelaar UCOAAC, Finca Triunfo Verde, Comon Yaj Noptic et CESMACH.

La CLAC (Coordinadora Latinoamericana y del Caribe de Pequeñ.a.o.s Productor.as.es y Trabajador.as.es de Comercio Justo) est un des trois réseaux producteurs du mouvement Fairtrade/Max Havelaar situé et représente toutes les organisations de producteurs certifiées Fairtrade/Max Havelaar d’Amérique Latine et des Caraïbes. Sa mission est de promouvoir les intérêts et le développement des membres et des communautés

Le berceau historique du commerce équitable

Dans l’univers du café, se rendre à « l’origine » est une expérience unique. Pour moi c’était même un véritable voyage initiatique, dans un des berceaux historiques du commerce équitable : le Mexique. Le périple débute par un long vol à destination de Mexico, puis un second bien plus court pour Tuxtla Gutierrez, capitale de l’état du Chiapas.

L’état du Chiapas est regroupé en neuf régions économiques et les principaux produits agricoles sont le café, la banane, le cacao, le maïs, la mangue, le miel, le sucre de canne et les piments. J’y retrouve mes homologues de Fairtrade Canada (accompagnés de 3 artisans torréfacteurs de Toronto et Halifax), ainsi que Betzabe, coordinatrice au sein de la CLAC.

Dès le lendemain matin, nous prenons la route, direction Jaltenango de la Paz, petit village perdu qui sera notre « camp de base » pour la semaine.

L’activité économique de cette région, jouxtant la réserve naturelle del Triunfo Verde, « la forêt de nuage », tourne quasi exclusivement autour du café.

Cette réserve est un écosystème rare considéré comme parmi les plus riches au monde. Les plantations de café d’ombre jouent un rôle fondamental de "corridor biologique" en permettant la connexion entre les différentes aires de végétation naturelle.

Rencontre avec les producteurs de café

Au programme des jours qui suivent : visites terrain et échanges avec des producteur.rice.s des coopératives UCOAAC, Finca Triunfo Verde, Comon Yaj Noptic et CESMACH, toutes certifiées Fairtrade/Max Havelaar depuis de nombreuses années. Visiter des parcelles de caféiers se mérite, les fermes les plus proches se situant à 2 ou 3 heures de piste pour le moins chaotique. Qu’importe ! Le groupe se répartit dans la bonne humeur à l’arrière de deux pick-up, rempli de cette excitation propre à tout voyage dans des contrées lointaines.

Nous traversons des paysages sauvages, d’une beauté époustouflante qui font de cette région l’une des plus belles du monde, et l’une des plus riches en termes de biodiversité. Nous approchons enfin du but : rencontrer les producteur.rice.s pour qui nous travaillons tous les jours.

L’accueil est chaleureux et la curiosité mutuelle. Nous découvrons ainsi les conditions de travail et de vie de ces caféiculteurs, pour lesquels le commerce équitable est un véritable soutien. Ils vendent leur café bien au-dessus du cours mondial (côté à la Bourse de New-York), et ont pu financer nombre de projets grâce à la prime de développement : création de pépinières, aménagement d’aires de séchage du café ou encore modernisation de l’usine de déparchage [1].

« Café des femmes » : projet financé par la prime Fairtrade/Max Havelaar

 

Café Metik est une marque de café biologique de haute qualité. Metik veut dire « grande femme » dans le dialecte tzeltal car il est entièrement produit (cultivé, récolté et transformé) par des femmes membres de la coopérative Como Yaj Noptic. Ces femmes sont organisées au sein du groupe de travail « Organisation de femmes en action pour le développement durable. »

Nos hôtes nous présentent leurs fermes respectives, leurs projets, mais également leurs difficultés, la région ayant été fortement touchée par la rouille du caféier en 2016. C’est l’occasion d’assister à la récolte, nous essayant nous-même au « picking », c’est-à-dire au ramassage des cerises de café. Inutile de préciser que notre rendement est bien inférieur à celui des petits producteur.rice.s.

Arrive ensuite l’heure de partager un repas tous ensemble. Il est des moments comme cela où, malgré leur très récente rencontre, 2 inconnus se livrent.  C’est le cas d’Oscar, caféiculteur au sein d’UCOAAC, qui me raconte son parcours de « mojado », ses nombreuses tentatives d’émigrer aux USA, où il finira finalement par arriver, après avoir couru des risques inouïs.  L’histoire d’Oscar n’est malheureusement qu’une parmi tant d’autres, qui bien souvent ont une issue beaucoup plus tragique. Le voir aujourd’hui revenu dans sa région natale, travailler dans sa parcelle de café et pouvoir en vivre dignement est la preuve que notre travail n’est pas seulement noble, il est véritablement utile sur le terrain !

Production du café équitable

Mais revenons-en à notre cher café… Au Chiapas, le procédé le plus utilisé est la « voie humide ». Une fois les cerises récoltées et triées (floraison), elles vont être dépulpées. Cette étape primordiale consiste à évider, grâce à un dépulpeur, la cerise de son « noyau », c’est-à-dire des grains de café. Il est qualifié à ce stade de « café parche » (la parche étant l’enveloppe du grain de café).

Ces grains resteront plusieurs heures à fermenter dans des cuves de béton, au soleil, avant d’être évacués avec de l’eau par un conduit. Le café est alors dit « lavé ».   

Il sera ensuite entreposé à l’extérieur pendant environ 3 semaines pour un séchage naturel et arriver à un taux d’humidité de 12% environ.

C’est ce café parche qui sera livré à la coopérative, dans des sacs de plus de 60 kg. Cette dernière aura en charge l’étape du déparchage qui consiste à enlever mécaniquement la parche et ainsi d’obtenir le fameux café vert, qui sera expédié par containers à des milliers de kilomètre de là, pour être torréfié, et finir sa route dans notre tasse. Quel voyage !

Il est intéressant de constater de façon très concrète que le commerce équitable Fairtrade/Max Havelaar a été un des leviers qui a permis à ces coopératives d’aller de l’avant, de permettre à leurs membres de vivre dignement de leur travail, et d’en faire bénéficier leurs communautés. Cela leur a également permit d’adopter une démarche d’amélioration continue, tant dans la production que pour l’accès au marché. Il ne s’agit plus pour les organisations de producteurs de vendre du café vert sans vraiment connaitre les tenants et aboutissants commerciaux. Au contraire, elles ont formé en interne de véritables « Q graders », c’est-à-dire des spécialistes compétents pour évaluer la qualité du café « en tasse », et ainsi être plus avertis dans leurs négociations avec leurs clients.

Nous avons d’ailleurs eu la chance de participer à des séances de « cupping » [2], véritables moments de partage et de communion autour du café, avec un festival d’odeurs et d’arômes incroyables. Malgré l’ambiance détendue, le professionnalisme de nos formateurs était impressionnant.

Les jours défilent, nous passons facilement d’une coopérative à une autre, notamment grâce à Betzabe dont le sérieux et la connaissance fine du terrain (et des producteurs) sont un atout incommensurable. Pour rappel, Fairtrade International dispose de trois réseaux de producteurs (CLAC pour l’Amérique Latine, FTA pour l’Afrique et NAPP pour l’Asie et Pacifique). Ceux-ci, en plus de participer à hauteur de 50% à la gouvernance de notre mouvement, sont les véritables acteurs opérationnels du mouvement Fairtrade/Max Havelaar sur le terrain.

Le retour en France approche à grand pas. Le temps pour nous de dîner une dernière fois tous ensemble  à Jaltenango avant de faire nos valises, et reprendre la route pour Tuxtla Gutierrez. Depuis la fenêtre de notre minibus, les paysages continuent de défiler, mais l’ambiance est moins bruyante qu’à l’aller. Chacun semble dans ses pensées, se remémorant les jours exceptionnels que nous venons de vivre tous ensemble, et savourant une dernière fois l’air frais des montagnes.

Dans quelques heures je serai de retour à Paris, nous serons tout début février, je renouerai avec les températures hivernales et le métro, sans me douter une seule seconde de la terrible période de confinement dans lequel le monde allait entrer quelques semaines plus tard. Là aussi nous répondrons présent, en mettant en place très rapidement un fonds international « Covid » de plusieurs millions d’euros pour soutenir les producteur.rice.s.

 

 

[1] Déparchage du café : Cela consiste à libérer le grain de sa parche par friction

[2] Cupping : goûter une variété de café pour rendre compte de ses qualités gustatives et aromatiques