A la découverte de la Coffee Belt brésilienne

En décembre dernier, une équipe de Max Havelaar France s’est rendue au Brésil aux côtés de la CLAC afin de rencontrer et d’échanger avec les producteurs de plusieurs coopératives certifiées Fairtrade/Max Havelaar dans les Etats de São Paulo et du Minas Gerais. Voici leur récit.

Le Brésil, premier producteur de café au monde, est un endroit incontournable pour quiconque souhaite en savoir plus sur ce sujet. Pour nous, ce fut également l’occasion de voir le fonctionnement des coopératives et l’impact du commerce équitable et du mouvement Fairtrade/Max Havelaar.

Pour mieux appréhender l’écosystème de cette puissante filière, nous nous sommes rendus dans deux Etats clés de la production de café : l’Etat de São Paulo et l’Etat du Minas Gerais. La CLAC, le réseau de producteurs d’Amérique Latine et des Caraïbes de notre mouvement, nous a accompagnés tout au long du voyage, facilitant ainsi les échanges avec les producteurs.

Après un vol de plus de douze heures nous atterrissons dans la mégapole tentaculaire de São Paulo et prenons très vite la route pour un premier trajet d’environ 450 km. En sortant de la ville, un paysage de plaines et de champs de canne à sucre s’étale devant nous à perte de vue, illustrant la dimension agro-industrielle du pays.

Arrive ensuite une contrée plus vallonnée : c’est le début de la Coffee Belt. Cette zone, située entre l’Etat de São Paulo et l’Etat du Minas Gerais, concentre tous les acteurs de la filière café au Brésil : une grande majorité des producteurs du pays, les plus grands traders internationaux, les exportateurs, les experts agronomes…  L’économie du café joue un grand rôle dans le développement de ces deux régions et du pays, le Brésil représentant plus de 34% de la production mondiale de café. Dans cette zone, le nombre de parcelles cultivées est en forte hausse depuis quelques années : un nouvel âge d’or s’offre à elle.

A la rencontre des producteurs de café brésilien

Après avoir visité une coopérative de production d’oranges (COOPERFAM), nous découvrons cinq coopératives de café (APROD, COOMAP, COOPFAM, COOPASV et DOS COSTAS). Toutes sont engagées dans le mouvement Fairtrade/Max Havelaar depuis de nombreuses années.

Toutes et tous nous partagent leur quotidien et leur enthousiasme pour la production de café et du « comércio justo » (commerce équitable). Au fil des échanges, nous découvrons les enjeux et les conditions de travail des caféiculteurs au Brésil.

Deux piliers du commerce équitable sont mis en avant : la vente du café au-dessus des cours mondiaux grâce au prix minimum garanti et la réalisation de projets économiques et sociaux grâce à la prime de développement.

Certains projets financés par la prime nous ont été présentés : amélioration de la qualité de l’eau via l’installation de filtres dans les habitations, construction de fosses septiques, achat de panneaux solaires pour baisser le coût de l’énergie des ménages et promouvoir une énergie propre, actions en faveur de l’autonomisation des femmes et l’avenir des jeunes de la communauté, construction d’écoles, de centres sportifs et de maisons de retraite. Une partie importante de cette prime est également utilisée pour l’amélioration de la production et la qualité du café ou pour former les membres à la production bio. 

Les producteurs nous présentent leurs parcelles respectives et leurs projets, nous dégustons toujours avec beaucoup de plaisir leur café. Nous échangeons aussi sur leurs difficultés, notamment liés au changement climatique. La région a été particulièrement touchée par le gel il y a quelques mois. Pour les coopératives visitées, l’impact est fort et va limiter les récoltes pour un minimum de deux ans : l’accompagnement de la coopérative est dans ce cas plus que nécessaire.

La CLAC joue également un rôle d’accompagnement : « nous représentons des organisations de petits producteurs et de travailleurs organisés démocratiquement, et nous visons le renforcement et le développement des coopératives. Nous fournissons une assistance à nos partenaires, nous promouvons leurs produits et leurs valeurs, et nous avons une influence sociale, politique et économique. »

 

 

Le modèle coopératif permet de soutenir les producteurs dans les années difficiles avec par exemple des prêts accordés à des conditions particulièrement attractives ou la création d’un fond d’assurance. Des initiatives tels que des systèmes de géolocalisation et de prévention des risques, comme celui porté par la COOPSAV permettent de monitorer et identifier les besoins d’assistance technique pour accompagner et appuyer les producteurs. Pour réduire leur dépendance vis-à-vis de leur culture principale, certains producteurs développent de nouvelles activités, afin de diversifier leurs sources de revenus. Certains de ces projets sont également soutenus par la prime de développement.

Les effets bénéfiques du commerce équitable 

Il est particulièrement intéressant de constater sur le terrain que le commerce équitable Fairtrade/Max Havelaar a été un des leviers qui a permis à ces coopératives d’aller de l’avant, de permettre à leurs membres de vivre dignement de leur travail, et d’en faire bénéficier leurs familles et leurs communautés. Certaines coopératives particulièrement bien organisées et structurées peuvent maintenant exporter directement le café et donc se passer des exportateurs qui fixent les prix et ne permettent pas une répartition équitable de la marge. Ce modèle vertueux favorise aussi l’amélioration de la qualité du produit. Pour exporter, il faut produire un café de spécialité[1] : c’est aussi un enjeu clé du développement du commerce équitable Fairtrade/Max Havelaar. Les coopératives travaillent donc quotidiennement à améliorer la qualité du produit. La prime de développement est souvent utilisée pour mener à bien cet objectif. Les consommateurs, de plus en plus exigeants sur la qualité des produits et la traçabilité, peuvent être rassurés par le niveau d’exigence des coopératives brésiliennes certifiées Fairtrade/Max Havelaar.

Lors de notre rencontre avec les équipes de la COOPSAV, nous avons évoqué le sujet de la qualité du café autour d’une séance de « cupping[2] », un véritable moment de communion et de convivialité autour de nombreuses tasses. Le professionnalisme et la technique de notre formatrice était impressionnant et permet de mieux appréhender les différentes caractéristiques du café de spécialité brésilien. Pour pouvoir noter un café sur 10 critères (on donne un score entre 0 et 10 sur les arômes, le goût, l’arrière-goût, l’acidité, le corps, l’uniformité, l’équilibre, clean cup, la sucrosité et l’impression globale), il faut être diplômé de la SCA « Specialty Coffee Association ».

 

 

Pour les coopératives, il ne s’agit donc plus de vendre uniquement une matière première, le café vert, mais de maitriser l’organisation commerciale pour gagner en indépendance. La vision de la coopérative DOS COSTAS sur le sujet est intéressante. La promotion d’un café de qualité pour le consommateur brésilien est un pilier de leur stratégie. Pour cela, ils ont créé une cafétéria où le café est torréfié devant le client. Cette démarche est un vrai succès : plus 7 000 tonnes sont torréfiées localement chaque mois ! On observe une véritable fierté des membres de la coopérative ; mais également des clients car ils consomment de cette manière un café de qualité qui est habituellement destiné à l’exportation. Sous l’action de DOS COSTAS, la ville de Boa Esperança est devenue une Fairtrade Town en 2017. La promotion du commerce équitable est faite partout : dans les écoles, les administrations, les commerces…  

Encourager l’autonomisation des femmes

Durant cette semaine les échanges avec les productrices étaient particulièrement intéressants. Leurs témoignages nous ont permis de constater les efforts de la part des organisations de producteurs pour promouvoir l’autonomisation des femmes et valoriser leur travail au sein des coopératives. Les femmes de producteurs sont souvent très impliquées dans la production du café, mais elles ne sont pas toujours reconnues. L’ensemble des coopératives ont mis en place des projets/programmes pour sensibiliser sur la question de l’égalité de genre, revendiquer la place de la femme au sein de la coopérative, de la ferme et de la communauté.

 

 

De nombreuses initiatives existent comme le lancement par les coopératives de marques produites uniquement par les femmes. C’est le cas de « Café Femenin » avec COOPFAM, un café servi pendant la Coupe du Monde de Football au Brésil en 2014 et pendant les Jeux Olympiques à Rio de Janeiro en 2016. A noter également d’autres initiatives comme « TODAS AS MARIAS » avec la COOPASV. Dans ces deux coopératives visitées, les femmes occupent actuellement les postes de présidentes, elles impulsent une dynamique très forte pour valoriser des nouveaux projets particulièrement inclusifs.

La fin de notre mission avec des convictions renforcées

Le voyage se poursuit entre les différentes coopératives grâce au professionnalisme et à la connaissance terrain de nos homologues de la CLAC. La bonne humeur et le côté chaleureux des Brésiliens n’est pas une légende.  

Le retour en France approche. Un dernier dîner ensemble nous permet de partager nos convictions et nos projets autour du commerce équitable. Tous ensemble, nous reprenons notre minibus pour retrouver São Paulo. Nous quittons les belles vertes collines et les caféiers pour retrouver le vert aussi intense de la plaine brésilienne. Dans quelques heures nous serons de retour à Paris, avec en mémoire de beaux souvenirs et de nombreux témoignages sur l’impact du mouvement Fairtrade/Max Havelaar. Une chose est sûre : nos engagements et nos convictions pour promouvoir le commerce équitable sont plus que renforcés. 

 


[1] « Les cafés de spécialité (ou cafés gourmets) se définissent comme des boissons haut de gamme à base de café auxquelles le consommateur (dans un marché précis et à un temps donné) attribue une qualité unique, un goût et un caractère distincts et supérieurs comparés à une boisson ordinaire à base de café. Cette boisson est préparée en utilisant des grains de café vert

cultivés dans des zones précises, et en répondant aux standards les plus exigeants en matière de production, de traitement, de torréfaction, de conservation et de préparation. » SCAE France www.maxicoffee.com/blog/cafe-de-specialite-specialty-coffee/

[2]Cupping : méthode de dégustation pour appréhender les qualités et les défauts gustatifs et aromatiques du café