Pour une COP26 équitable : replacer les producteurs agricoles au coeur des décisions

Le coup d’envoi de la COP26, Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, est donné aujourd'hui à Glasgow. L’occasion de rappeler que les producteur·rice·s et les travailleur·euse·s agricoles sont en première ligne de la crise climatique. Pour une COP26 équitable, il est impératif que leurs réalités, leurs besoins et leur expertise soient pris en compte !

Des délégations représentant presque tous les pays du monde s’apprêtent à négocier pendant douze jours  sur les mesures à prendre pour aller plus loin dans la lutte contre les changements climatiques.Face à l’urgence, les dirigeant·e·s mondiaux doivent se saisir de ce qui pourrait être notre dernière chance de maîtriser un futur emballement incontrôlable du climat qui aurait des conséquences environnementales et humaines catastrophiques et irrémédiables.

 

Les producteurs et les travailleurs font partie de la solution et de la lutte contre les changements climatiques

Les producteur·rice·s et les travailleur·euse·s sont experts de leurs cultures, de leur environnement et de leurs terres. Ils sont les premiers à observer les effets spécifiques du dérèglement climatique dans leur région, sur la disponibilité de l’eau, sur la qualité de leurs terres, sur les rendements de leurs cultures. Ils mettent déjà en place de nombreuses mesures d’adaptation à ces impacts et adoptent (ou ré-introduisent) des pratiques durables qui respectent l’environnement et la biodiversité comme la plantation d’arbres d’ombrage et la diversification des cultures. Leur voix est donc cruciale pour résoudre la crise climatique, elle doit être entendue et prise en compte par la communauté internationale et dans les espaces politiques où sont prises les décisions pour la lutte contre les changements climatiques.

Pour la COP26, le mouvement Fairtrade/Max Havelaar fait donc campagne pour faire entendre la voix des 1,8 million de producteur·rice·s et travailleur·euse·squi en font partie. Les producteur·rice·s et travailleur·euse·s demandent aux pays riches et responsables du dérèglement climatique, qui jusqu’à maintenant ne les ont pas respectés, de tenir leurs engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre et de financement climatique pour les pays en développement. Il faut notamment que les 100 milliards de dollars de financement climatique pour les pays en développement promis en 2009 arrivent jusqu’aux communautés les plus affectées par la crise climatique. Actuellement, seulement 2% de ce financement arrive jusqu’aux producteur·rice·s1.

Retrouvez la lettre de ces producteur·rice·s adressée aux dirigeant·e·s mondiaux·ales ici, et signez la pétition ici

Les impacts des changements climatiques sont profondément inéquitables : pas de justice climatique sans justice sociale

Les populations, notamment les plus pauvres, des pays à revenu faible et intermédiaire sont celles qui ont  le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre mondiales et sont donc les moins responsables des dérèglements actuels du climat. Pourtant, elles sont les premières et les plus impactées par ses effets et celles qui ont le moins de moyens de s’adapter face à eux2 : 

  • Le GIEC le répète depuis plusieurs années déjà : les changements climatiques auront des conséquences négatives pour les moyens de subsistance, augmenteront les risques d’insécurité alimentaire et de rupture des systèmes alimentaires, en particulier pour les populations les plus pauvres
  • D’ici 2050, la moitié des terres utilisées pour la culture du café ne seront plus cultivables et la température de la plupart des régions de culture du cacao au Ghana et en Côte d’Ivoire - les deux principaux pays producteurs - seront trop chaudes pour cette culture. 
  • Les impacts du changement climatique sur les cultures sont nombreux : insécurité alimentaire, détérioration des infrastructures, pertes matérielles, etc., et ils exercent une pression supplémentaire sur les revenus des producteur·rice·s, en plus de la volatilité et du bas niveau des prix des produits. 

En parallèle, face à l’urgence climatique et à la non-durabilité des modèles agricoles, les producteur·rice·s font face à une demande croissante des pays industrialisés d’entamer une transition vers des pratiques de production durables et de s’adapter aux changements climatiques. En échange, ils ne reçoivent pas le soutien nécessaire, notamment financier, de la part des maillons aval des chaînes d’approvisionnement. Cela veut dire qu’on leur demande d’adopter des pratiques plus  coûteuses et que les acheteurs ne les rémunèrent pas. 

C’est pourquoi dans le mouvement Fairtrade/Max Havelaar, nous plaidons pour une justice climatique. Car on ne peut pas attendre des producteur·rice·s et des travailleur·euse·s qu’ils absorbent les coûts d’adaptation aux changements climatiques, alors qu’ils en sont les premières victimes, les moins responsables, et qu’ils ne peuvent même pas vivre de leur culture

Changer de modèle agricole pour un modèle de production durable nécessitera donc forcément un changement des règles mondiales du commerce vers des pratiques équitables : des prix rémunérateurs pour les produits, permettant aux producteur·rice·s et aux travailleur·euse·s de dégager un revenu/salaire vital et de briser le cycle de la pauvreté et de la dégradation de l’environnement. Tous les acteurs des chaînes d’approvisionnement agricoles doivent reconnaître la nécessité d’investir et de payer des prix justes pour garantir une transition équitable vers des pratiques agricoles durables. 

Pour plus d’informations sur la vision du mouvement Fairtrade/Max Havelaar sur la justice climatique, lisez notre document “Placing fairness at the heart of climate ambitions” (en anglais) ici.

Limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius - de quoi parle-t-on ? Selon les estimations du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), les activités humaines ont déjà provoqué un réchauffement planétaire d’environ 1°C au-dessus des niveaux pré-industriels. Lors de la COP21 en 2015, les chefs d’Etat et du gouvernement du monde entier ont adopté l’Accord de Paris dont l’objectif était de limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2°C, de préférence à 1,5°C par rapport au niveau préindustriel. En effet, toujours selon les scénarios établis par le GIEC3, les risques liés au climat auxquels seront exposés les systèmes naturels et humains seront plus élevés pour un réchauffement planétaire de 2°C qu’1,5°C. Par exemple, limiter le réchauffement à 1,5°C plutôt qu’à 2°C permettrait : 

  • Des risques de sécheresse et de déficits de précipitations, mais aussi d’épisodes de fortes précipitations (selon les régions) moins élevés ; 
  • De réduire, d’ici 2050, de plusieurs centaines de millions le nombre de personnes exposées aux risques liés au climat et vulnérables à la pauvreté ; 
  • De réduire de 50% la fraction de la population mondiale exposée à une intensification du stress hydrique due au changement climatique. 

1  https://www.ifad.org/en/web/knowledge/-/publication/examining-the-climate-finance-gap-for-small-scale-agriculture

2https://archive.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/syr/AR5_SYR_FINAL_SPM_fr.pdf

3https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/IPCC-Special-Report-1.5-SPM_fr.pdf