Le coton équitable, une filière qui ne demande qu’à se développer

En décembre dernier, Valeria, Responsable du plaidoyer et Paul, en charge des programmes et de l’évaluation de l’impact, se sont rendus en Inde afin de visiter la coopérative de producteur.rice.s de coton Chetna ainsi que l’entreprise de filature et confection Armstrong Knitting Mills. Par ce voyage, nos deux collaborateurs ont pu se rendre compte de l'effet du commerce équitable Fairtrade/Max Havelaar pour les producteur.rice.s et travailleur.euse.s de ces deux organisations. Découvrez leur récit.

Quelques chiffres sur la filière coton

L’Inde est le 2ème producteur mondial de coton derrière la Chine avec une production de 5,58 millions de tonnes de fibre de coton en 2017 (22% de la production mondiale), dont 1,13 millions de tonnes sont exportées.

Les 12 organisations de producteur.rice.s certifiées Fairtrade/Max Havelaar en Inde ont produit l’équivalent d’environ 20 000 tonnes de fibre de coton en 2017 dont seulement 7 426 tonnes ont pu être vendues aux conditions du commerce équitable Fairtrade/Max Havelaar. Cela signifie que l’achat de coton équitable reste encore minoritaire par rapport au coton conventionnel et qu’à peine un tiers de cette production équitable a permis de générer de la prime de développement et de valoriser l’engagement des producteur.rice.s qui respectent le cahier des charges Fairtrade/Max Havelaar. Ce constat est partagé au quotidien par les 8 000 producteur.rice.s de coton bio-équitable de la coopérative Chetna.

Chetna, une coopérative de coton équitable

Notre voyage a débuté par la ville de Raipur, dans le Cent-Est du pays. C’est ici que nous avons démarré cinq heures de route pour atteindre Bhawanipatna, dans l’état de l’Odisha.  Ça sera notre base pour aller à la rencontre des producteurs de coton des coopératives membres de Chetna dans cette zone tribale de l’Inde. Chetna a été fondée en 2004 au travers du regroupement de Self Help Groups, une vingtaine de producteur.rice.s qui souhaitent unir leurs forces et leurs ressources pour obtenir plus d’indépendance et mieux valoriser leur production.

En 2005, elle a obtenu la certification Fairtade/Max Havelaar puis en 2009 le statut de Chetna Organic Agriculture Producer Company Ltd (COAPCL), faisant de la coopérative un véritable acteur majeur de la production de coton bio-équitable.

Elle rassemble aujourd’hui environ 35 000 producteur.rice.s (y compris les 8 000 producteur.rice.s de coton bio-équitable) et est un rare exemple d’émancipation de petits producteur.rice.s qui ne dépendent plus de contrats désavantageux avec des entreprises privées de production sous le système d’agriculture sous contrat, très répandu en Inde.

La certification équitable Fairtrade/Max Havelaar, qui place l’organisation des producteur.rice.s au cœur de son action, a permis à Chetna de faire reconnaitre leur particularité en Inde et dans la filière coton textile. Ainsi, les producteur.rice.s ont pu fonder en parallèle une ONG, la Chetna Organic Farmers Association (COFA) qui leur permet de participer à des projets de développement, et une coalition de partenaires économiques qui permet de fidéliser les marques engagées pour l’achat de coton bio-équitable et de financer des projets ambitieux.

Des projets de développement financés grâce à la prime Fairtrade/Max Havelaar

Chetna se caractérise par la multitude de projets sociaux et environnementaux mis en place au bénéfice des producteur.rice.s. Nous avons pu visiter plusieurs des plus importants dans cette région. Nous nous sommes rendus dans une des 11  coopératives membres de Chetna, celle de Bansadhara, qui regroupe 910 producteur.rice.s de 21 villages dans l’Etat d’Odisha.

Le premier projet visité a pour objectif la restauration de la fertilité des sols sableux et l’accès à la terre pour les producteur.rice.s les plus marginalisés. Chetna bénéficie du soutien du programme gouvernemental Wasteland Agriculture Development Initiative (WADI), financé par la banque nationale agricole indienne et des fondations privées.

Depuis 2016, 500 producteur.rice.s ont bénéficié du projet, dont 50 considérés comme « sans-terre », c’est-à-dire possédant moins d’un acre pour cultiver (0,4 ha). Nous avons visité une parcelle de 7 acres sur laquelle 14 producteur.rice.s cultivent du coton bio-équitable en association avec du pois d’Angole, une plante légumineuse qui permet d’augmenter la fertilité de la terre grâce à la teneur en azote et qui est utilisée dans la préparation des dahls, plat consommé quotidiennement par les villageois.e.s.

D’autres productions sont mises en place, comme des arbres fruitiers tels que les manguiers, ou encore le Gliricidia, plante qui abrite des insectes utiles au coton, car ils attaquent les parasites de cette culture. Ce projet permet donc de rendre productifs les sols, de donner des terres aux agriculteur.rice.s les plus pauvres, et de leur assurer leur sécurité alimentaire tout en leur permettant d’avoir un revenu grâce au coton.

En complément, Chetna a fourni 300 fours améliorés aux producteur.rice.s, achetés grâce à la prime de développement Fairtrade/Max Havelaar. Ces fours permettent d’optimiser la consommation de bois et donc de diminuer la dégradation des forêts. L’initiative ayant été positive, le gouvernement local a décidé de fournir 900 fours améliorés supplémentaires !

Cette initiative de Chetna est une parfaite illustration de l’effet de levier que peut avoir le commerce équitable grâce à sa prime de développement. A l’échelle de la coopérative, environ 30% du financement des projets de Chetna proviennent de la prime de développement Fairtrade/Max Havelaar qui sert donc de socle pour attirer de nombreux autres financements.

Nous avons par la suite visité le Chetna Organic Research & Conservation Center (CORCC), un centre de recherche permettant la création par hybridation et multiplication de nouvelles variétés de semences de coton non-OGM. L’enjeu est crucial pour les producteur.rice.s de Chetna, afin de respecter le cahier des charges Fairtrade/Max Havelaar qui interdit les OGM, et pour préserver l’environnement ainsi que leur indépendance économique vis-à-vis de grandes firmes multinationales semencières. Le contexte est malheureusement très défavorable, puisque 95% du coton indien actuellement est OGM et qu’il y a très peu d’investissements publics et privés pour le développement du coton biologique.

Le CORCC mis en place par Chetna depuis une dizaine d’année est donc une rare opportunité pour les producteur.rice.s de renforcer leur production de coton biologique. Leurs travaux consistent à croiser des plants de coton puis les multiplier et sélectionner ceux les plus adaptés à la culture pluviale (non irriguée) du coton. Une variété nécessite 8 ans de travail !  Chetna prévoit de déposer les brevets de 6 variétés en 2020 ou 2021 dont les producteur.rice.s de Chetna seront les premiers bénéficiaires.

Le développement et la sauvegarde des ressources génétiques agricoles sont également très importants pour les cultures vivrières destinées à l’autoconsommation des producteur.rice.s, et donc pour leur sécurité alimentaire. C’est dans cette optique que les femmes productrices de Chetna ont mis en place 20 banques de semences qui permettent de collecter et distribuer des variétés locales et rustiques de riz, de millet et de sorgho aux producteur.rice.s.

Nous avons visité une de ces banques gérée par cinq femmes. Le fonctionnement est comme celui d’une banque : lorsqu’un.e producteur.rice souhaite avoir un prêt de semences de 1kg, il/elle devra rembourser à hauteur de 2kg de sa récolte. Ainsi, la banque s’agrandit chaque année. Par exemple, dans la banque que nous avons visitée, il y a à ce jour 44 variétés de riz différentes !

Enfin, outre les projets agricoles, nous avons visité deux écoles gouvernementales dont de nombreux investissements ont été financés par la prime de développement Fairtrade/Max Havelaar ainsi que d’autres financements : système d’adduction d’eau potable, matelas et couvertures, tables et matériel scolaire, rénovation des murs ou encore laboratoire de sciences.

Ces visites enthousiasmantes sur le dynamisme de la coopérative et l’amélioration des conditions de vie des petits producteur.rice.s de coton grâce au commerce équitable ont été complétées par la visite de l’usine de confection textile Armstrong Knitting Mills dans le sud de l’Inde, dont une partie du coton provient de Chetna.

Cette entreprise, créée en 1969, est aujourd’hui certifiée Fairtrade/Max Havelaar et GOTS (biologique pour le textile) et propose des conditions de travail décente aux femmes et hommes qui travaillent dans les différents ateliers : découpe, impression des visuels, broderie et couture. L’entreprise souhaite aller plus loin et augmenter les salaires grâce au soutien de marques engagées dans le commerce équitable.

Ce voyage nous a démontré une fois encore que l’engagement de producteur.rice.s, ONG et entreprises sont des bases solides pour construire des chaînes de valeur qui respectent les hommes et la planète.

Aidons les producteur.rice.s de coton à vivre dignement de leur travail. Consommateur.rice.s et entreprises, engagez-vous dans le commerce équitable !

 

En savoir plus sur la filière du coton équitable.

Visite de l’usine de confection textile Armstrong Knitting Mills dans le sud de l’Inde, dont une partie du coton équitable provient de Chetna.