Issu d’une famille nombreuse de paysans du Bravant aux Pays Bas, Francisco Van der Hoff s’est trouvé à l’autre bout du monde une nouvelle famille nombreuse, au cœur du Chiapas au Mexique. C’est au sein d’une communauté de petits producteurs de café dans l’Isthme de Tehuantepec qu’il a vécu depuis 1980. Il s’est senti chez lui dès son arrivée, alors qu’il avait voyagé depuis l’Europe en passant par le Canada, et le Chili d’Allende qu’il a dû fuir au moment du coup d’Etat de Pinochet.
Né Frans, il décide de se rebaptiser Francisco et c’est toujours en espagnol qu’il aimait s’exprimer où qu’il était. Docteur en économie et en théologie, ce prêtre ouvrier est né en 1939 aux Pays-Bas. A 22 ans il décide de s’engager dans l’ordre des prêtres ouvriers du Sacré-Cœur de Jésus, engagement qui le mènera des barricades de Prague en 1968 à l’Amérique latine, berceau de la théologie de la libération qui lui va bien.
A Oaxaca, parmi les Zapotèques, il découvre la vie des petits caféiculteurs qui vendent le fruit de leur travail au tiers du coût de production. Isolés, ils sont à la merci des « coyotes » qui leur achètent le café en bout de champ à n’importe quel prix. Sa priorité devient de promouvoir l’organisation. C’est avec la conviction que l’union fait la force qu’il fonde la coopérative UCIRI en 1982 avec une poignée de communautés. Le défi sera par la suite de trouver des solutions pour améliorer leurs conditions de vie. Pour lui le choix est simple : cela doit passer par la vente à un prix plus juste du café que par un acte de charité.
Avec la complicité de son compatriote Nico Rozen, à la tête de l’ONG Solidaridad, il fonde la première association Max Havelaar aux Pays-Bas et imagine les contours des critères du premier label de commerce équitable : un prix qui permet de subvenir aux besoins des producteurs et une prime supplémentaire pour le développement de la communauté. Un nouveau modèle de commerce est né. « Nous ne pouvons pasetnous n’allons pas créer un paradis sur terre, mais ne vaut-il pas mieux rêver éveillé que de continuerà accepter l'exploitation dans l'obscurité ? », disait-il dans l’introduction de son Manifeste des pauvres, paru en 2010.
Loin de devenir un gourou, il a continué à être un parmi les caféiculteurs, en cultivant sa petite ferme, en écrivant et en prêchant le dimanche. Il a toujours été un point de repère pour ses compagnons d’UCIRI et en général pour tous ceux et toutes celles qui composent le mouvement du commerce équitable. Ses livres nous ont inspiré et interpellé, son regard bienveillant nous a accompagné.
Aujourd’hui UCIRI est une coopérative qui rassemble plus de 2 500 caféiculteurs qui vivent dans la dignité que Van der Hoff a prôné toute sa vie, même s’ils doivent encore et toujours faire face à des difficultés et des défis. Le label Fairtrade/Max Havelaar bénéficie a près de 2 millions de producteurs et travailleurs dans le monde, ce qui est certes toujours insuffisant, mais démontre chaque jour la viabilité de ce modèle. « Je crois fermement que les pauvres, organisés, peuvent éliminer ces barrières et murs d’exclusion, et proposer de nouveaux chemins pour mieux vivre ensemble », nous disait Van der Hoff.
A nous d’honorer son héritage et de continuer à travailler tous les jours pour faire avancer les valeurs de justice, de dignité et de respect.