Comment le mouvement Fairtrade/max Havelaar lutte contre les impacts du COVID-19 sur les producteur.ice.s et leurs organisations

Dès le mois d’avril 2020, lors des premières mesures de confinement et de restriction des échanges mondiaux, le mouvement Fairtrade/Max Havelaar avait co-signé une déclaration envoyée au président du G20 et appelé ces pays qui représentent aujourd’hui près de 85 % du commerce mondial à protéger les agriculteurs et les travailleurs des pays en développement contre les impacts sanitaires et économiques de la crise COVID-19.

8 mois plus tard, le bilan de cette épidémie est lourd et les producteur.rice.s des aliments que nous consommons quotidiennement restent parmi les personnes les plus affectées par cette crise.

Des impacts différenciés selon les filières et les origines

Les filières concernées par la certification Fairtrade/Max Havelaar sont affectées différemment selon leur géographie, leur dépendance à certains marchés ou les besoins de matériels et de main d’œuvre devenus introuvables ou trop chers.

En Amérique latine, le continent le plus touché par la pandémie (23% des cas dans le monde en novembre 20201), la plupart des pays ont poursuivi leurs plans de réouverture de l'économie et reprennent le transport aérien, en mettant en place des protocoles de biosécurité stricts dans les aéroports. Par exemple, la Colombie, le Salvador, la Bolivie, le Guatemala et le Honduras ont rouvert leurs aéroports après des mois de fermeture.

Sur ce continent, les producteur.rice.s de banane ont notamment vu les coûts du matériel de production augmenter fortement et la main d’œuvre se raréfier. Les producteur.rice.s ont subi de plein fouet cette augmentation des coûts de production.

L'Afrique a été relativement épargnée par la pandémie (2,7% des cas dans le monde2), et la plupart des pays ont levé les mesures de confinement et de couvre-feux. En revanche, c’est au Kenya et en Éthiopie que l’on retrouve l’une des filières le plus touchées par la pandémie : les plantations de fleurs.

Dès les premières semaines de la pandémie, les plantations avaient dû détruire des lots entiers de fleurs (pertes comprises entre 1,8 et 2,2 milliards d'euros au mois de mars 2020) à la suite de la baisse drastique de la demande mondiale.  Le Kenya et l'Éthiopie, les deux principaux pays producteurs, avaient subi une réduction d'environ 70% à 80% de leurs ventes (filière fleur en général) et de 92% pour la production des fleurs certifiées Fairtrade/Max Havelaar. Les plantations souffraient également des coûts liés à la destruction des fleurs invendues, des prêts bancaires en défaut et des hausses de coûts liés en partie à des retards de livraisons.

Aujourd’hui, les travailleur.euse.s ont repris le travail à 90 %. Cependant, les ventes de fleurs certifiées Fairtrade/Max Havelaar sont inférieures à 30 %, ce qui signifie que la majorité des plantations ne perçoit pas la prime de développement Fairtrade/Max Havelaar. Le coût du fret reste élevé, en particulier pour les producteur.rice.s kenyans.

A la différence des autres continents, la situation semble se stabiliser dans la plupart des pays d’Asie, même si la situation diffère selon les pays3.

De même en ce qui concerne les producteurs certifiés Fairtrade/Max Havelaar, les impacts sont différenciés :

  • En Indonésie, la nouvelle récolte de café est prête et les premières signatures de contrats tardent bien plus que de coutume.
  • En Chine, 18 organisations de petits producteur.rice.s de thé dépendent des exportations vers l'UE et les États-Unis. Le confinement dans ces régions a entraîné une forte diminution des commandes et la plupart des producteur.rice.s de thé ont indiqué une diminution de leurs exportations de 10 à 50 % par rapport à l'année dernière.
  • La vente est également encore faible pour le thé au Vietnam.

Dans tous les cas, on voit que les organisations qui dépendent de demandes et de chaines d’approvisionnement instables et non-équitables sont les plus affectées par la crise.

Le mouvement Fairtrade/Max Havelaar continue donc de jouer son rôle de filet de sécurité pour les producteur.rice.s les plus vulnérables à ces chocs.

 

Flexibilisation de la prime

Au sein des coopératives et des organisations certifiées, le Comité de la Prime Fairtrade (CPF), constitué de producteur.rice.s  et travailleur.euse.s est habituellement en charge de définir l’utilisation de la prime Fairtrade/Max Havelaar pour le développement de leur organisation et de leur communauté. Dans le cadre de la crise, le CPF a pu décider de distribuer 100% de la prime Fairtrade/Max Havelaar directement aux producteur.rice.s et aux travailleur.euse.s sous forme de matériel d’hygiène et de protection (masques, savons, gel hydroalcoolique…), mais également de denrées alimentaires pour assurer une sécurité sanitaire et alimentaire pendant la pandémie.

Création de deux fonds de soutien

Une telle crise crée des besoins urgents et essentiels, mais assèche également la trésorerie des organisations de producteur.rice.s et donc tous les moyens sont bons pour relancer l’activité.  Dans ce cadre, comment ré-embaucher pour faire repartir les processus de production ? Comment réinvestir dans les outils, les intrants et les équipements alors que les rares économies des organisations sont épuisées ?  Comment faire que les organisations puissent traverser et survivre à la crise ?

C’est pour répondre à ces questions que le mouvement Fairtrade/Max Havelaar a créé deux fonds de soutien auxquels des bailleurs internationaux ont participé pour arriver à un montant total de plus de 7 millions d’euros. Ces ressources sont destinées à assurer un soutien d’urgence aux producteur.rice.s et une aide pour la reprise économique. Encore une fois, ce sont les réseaux de producteur.rice.s du mouvement Fairtrade/Max Havelaar et leur connaissance accrue des dynamiques locales qui permettent d’adapter l’utilisation de ces fonds pour répondre exactement aux besoins des producteur.rice.s. En Amérique Latine par exemple, une partie de ces fonds a été utilisée via un « Fondo de Recuperación Económica» qui a soutenu des initiatives de diversification de la production pour augmenter la résilience des producteur.rice.s face à la pandémie actuelle et sur le long terme à d’autres potentielles baisses de la rentabilité des cultures d’exportation.

Soutien aux PMEs engagées dans des actions de durabilité à travers leur certification Fairtrade/Max Havelaar

L’autre force du mouvement Fairtrade/Max Havelaar est son action transversale en collaboration avec tous les acteurs des chaines d’approvisionnement. Sans engagement de la part des marques et des distributeurs, et sans choix de consommation éclairés de la part des consommateur.rice.s, les producteur.rice.s restent dépendants des tendances incontrôlées des marchés, ou de l’aide internationale.

Tous comme les autres membres du mouvement Fairtrade/Max Havelaar, Max Havelaar France a continué à faire connaitre l’engagement de ses entreprises partenaires et les a soutenues au cours des derniers mois, pour que ces entreprises (en grande partie des PME) et leurs engagements survivent.

Max Havelaar France a publié une centaine de posts sur les réseaux sociaux (LinkedIn, Facebook, Instagram, Twitter)4, des articles explicatifs sur les impacts du COVID19, et des messages forts sur l’importance de l’engagement citoyen pour une consommation alimentaire responsable. Ces messages ont touché environ 150 000 consommateurs depuis le début de la crise.

Enfin, la campagne Max Havelaar n’est pas seulement une campagne de promotion des garanties du de son label  mais également une mise en avant de l’engagement des entreprises qui mettent en place une démarche de durabilité sociale via le label Fairtrade/Max Havelaar.

En agissant sur 3 niveaux : le terrain, les pratiques commerciales et nos pratiques de consommation, le mouvement Fairtrade/Max Havelaar actionne tous les leviers à sa disposition pour renforcer la résilience des producteur.rice.s et de leurs débouchés commerciaux.

Et après…

L’un des impacts les plus insidieux de la crise COVID-19 est également de faire perdre de vue les autres problématiques qui continuent d’affecter les producteur.rice.s sur le long terme, et en particulier le changement climatique.

En temps de Covid, ces thématiques sont, de fait, moins priorisées par l’aide internationale et les programmes de durabilité des entreprises.

Au-delà de l’urgence liée à la crise, le mouvement Fairtrade/Max Havelaar continue donc de remplir sa mission de renforcement, d’autonomisation et de résilience des organisations de producteur.rice.s qui a prouvé son efficacité lors de cette crise (les Organisations de Petits Producteur.rice.s les plus structurées ont globalement mieux résisté aux impacts du Covid).

Au sein du mouvement Fairtrade/Max Havelaar, le réseau de producteur.rice.s sudaméricains, la CLAC, a également appelé les gouvernements, les organisations de la société civile et la coopération internationale à protéger, rendre visibles et promouvoir les approches de durabilité environnementale et les valeurs du commerce équitable pour la reprise économique post-pandémie5. La CLAC fait notamment remarquer que « seul un environnement sain peut nous aider à empêcher l'humanité d'être exposée à des épisodes récurrents similaires au COVID-19, car la nature est capable, par exemple, de freiner la poussière du désert et de réduire la pollution de l'air […] Mais lorsque le changement climatique apparaît dans l'équation, la nature a moins de latitude pour atténuer les impacts et protéger notre santé ». Le Covid a fait parler d’un « monde de demain » plus vert, plus équitable et plus résilient que le système commercial global n’arrive pas à définir et encore moins à mettre en œuvre.

De son côté, le mouvement Fairtrade/Max Havelaar, et en particulier Max Havelaar France et ses partenaires, continue de promouvoir une approche globale des risques qui pèsent sur les personnes qui nous nourrissent depuis les pays du sud, et à mettre en place des actions concrètes pour soutenir ces producteurs et faire changer les règles du commerce mondial.

 


[1] Source: COVID-19 Dashboard by the Center for Systems Science and Engineering (CSSE) at Johns Hopkins University (JHU) et WHO Coronavirus Disease (COVID-19) Dashboard au 12/11/2020

https://coronavirus.jhu.edu/map.html

[2] idem

[3] Par exemple, en novembre 2020, le COVID-19 est considérée à présent « sous contrôle » en Thaïlande, néanmoins le pays restait vigilant car une recrudescence des cas était détectée au Myanmar.

[4] Notamment un article pour les partenaires : https://maxhavelaarfrance.org/actualites/a-la-une/actualites-detail/news/covid-19-soutenons-nos-partenaires-engages-dans-le-commerce-equitable/

[5] Voir « FAIR TRADE small-scale producers and workers facing both the COVID-19 and the CLIMATE CHANGE crises” : http://clac-comerciojusto.org/wp-content/uploads/2020/08/Documento-incidencia-cambio-clim%C3%A1tico-covid19-ENG-FINAL-1.pdf?fbclid=IwAR0ZD5Mo0jyqO2rmWOt4SuWqi-CO-PWuBLBi97O6sXM1kNTK8e_S8WnnSrU