De ce texte ne ressortent ni les engagements pris durant les ateliers des Etats Généraux de l’Alimentation, ni les engagements du Président Emmanuel Macron. Les représentants de la société civile ne décolèrent pas de voir une loi si faible adoptée par des députés qui suivent l’avis du gouvernement. Un faible espoir réside-t-il dans le passage prochain au Sénat pour que nos représentants se saisissent des véritables enjeux? Dans le cas contraire, les représentants de la société civile que nous sommes se désolidariseront de cette loi.
Après près d’un an de travaux lancés dès l’annonce de l'organisation des Etats Généraux de l'Alimentation (EGA), les organisations de la société civile (1) désespèrent de voir un texte législatif aussi vide et contraire à l’esprit des EGA. C’est pourtant l’ensemble des acteurs agricoles, sociaux, économiques et environnementaux de la société française qui ont été mobilisés par le gouvernement. Alors que les consensus obtenus lors des ateliers sur les EGA à la fin 2017 promettaient de réelles avancées, quasiment aucune d’entre elles n’a été reprise dans ce projet de loi. A quoi bon ces 35 000 heures de mobilisation et de travaux
pour accoucher d'une souris et ignorer les conclusions partagées par une majorité d'acteurs ? L’esprit des EGA semble bien loin ! Comment expliquer tous ces renoncements face aux engagements pris par le Président de la République, que ce soit durant la campagne présidentielle ou face à l’ensemble des acteurs lors de son discours à Rungis ?
La Loi Agriculture et Alimentation adoptée aujourd’hui n’est pas à la hauteur de nos attentes et bien loin des enjeux de notre siècle. Elle ne permettra pas aux agriculteurs de mettre derrière eux les crises agricoles et de vivre dignement de leur travail. C’est une illusion de croire que cette loi permettra de rééquilibrer le rapport de force économique entre agriculteurs et distributeurs. Elle ne leur donnera pas non plus les outils économiques et législatifs nécessaires pour engager une véritable transition des modes de production. Le gouvernement et les députés ont ainsi raté l’opportunité de montrer que l’agroécologie permettrait de réconcilier économie et écologie.
Les organisations de la société civile rappellent que la loi ne pourra remplir son rôle que si l'ensemble des leviers déterminants et urgents pour la transition y sont intégrés de manière obligatoire. Le renvoi très fréquent par Stéphane Travert lors des débats aux engagements volontaires des filières, des fabricants et distributeurs de produits alimentaires ou à d’éventuelles évolutions à l’échelon européen ressemble fort à une démission des législateurs et responsables politiques, alors que c’est au contraire leur rôle, pour protéger l’intérêt général, que d’ancrer des objectifs clairs dans la loi, et d’entériner des mesures qui s’appliquent à toutes et à tous. Les représentants de la société civile appellent, au vu des enjeux sanitaires, environnementaux et économiques qui entourent cette loi, à un sursaut des parlementaires et du gouvernement pour lui donner corps et la muscler. Dans le cas contraire, nos organisations se désolidariseront de cette loi.